Le chanvre est une matière utilisée depuis toujours pour confectionner divers textiles, mais aussi des vêtements. Il a traversé les époques jusqu’au XXe siècle où il fut complètement oublié, et a presque même failli disparaître. Pourtant, le chanvre revient aujourd’hui en force dans les défilés de mode et les rayons vêtements des magasins.
La plante de chanvre même devenue une véritable icône de la mode durable. Comment peut-on confectionner du tissu à partir du chanvre et pourquoi le fait-on ? Quelle est l’histoire du chanvre textile ? C’est le sujet de cet article !
Le chanvre donnerait presque l’impression d’être une plante rustique, seulement bonne à servir de paille aux animaux. Et pourtant, il cache beaucoup d’avantages et de possibilités insoupçonnées, ce qui a contribué à son succès au fil du temps. Voyons ensemble comment on utilise le chanvre textile.
Le chanvre utilisé pour le textile vient de l'espèce “cannabis sativa L” : il s’agit du chanvre industriel ou agricole. Il comporte un faible taux de THC. C’est une plante plus grande que le cannabis indica (jusqu’à 5 mètres de haut), idéale pour une utilisation alimentaire et industrielle.
En effet, sa culture est très facile et toutes les parties de la plante sont utiles :
Le cannabis indica est quant à lui plus petit. Il est surtout cultivé pour ses fleurs, dans les régions chaudes du monde.
Pour fabriquer du tissu à partir de chanvre, il y a plusieurs étapes :
Au besoin, on peut également faire subir des traitements au tissu, notamment pour le teindre ou le blanchir. La fibre de chanvre est particulièrement longue et solide. Il est possible de la tisser pour la transformer en cordage ou en textile. Et ça, l’homme l’a bien compris depuis des millénaires !
Le chanvre est sûrement la plante la plus ancienne cultivée par l’homme. Très vite, il a été employé pour la confection de vêtements. On retrouve des traces de textile en chanvre dès 4000 avant J.-C. en Chine. Mais c’est des siècles plus tard que le chanvre gagne en popularité. Au Moyen-Âge, il est utilisé pour les vêtements royaux. Charlemagne fait même la promotion de cette plante pratique et facile à récolter.
Au XVII et XVIIIe siècles, le chanvre textile est avant tout utilisé dans la navigation. Cette plante avait d’ailleurs été employée par Christophe Colomb dès le XVe siècle. Elle est l’unique composant des voiles et des cordages des bateaux utilisés pour l’exploration ou le commerce avec le Nouveau Monde.
Le chanvre est alors indispensable et stratégique. Le premier drapeau des États-Unis était en chanvre, ainsi que les toiles des grands peintres ! En France, il y avait des chanvrières partout sur le territoire pour réussir à suivre la demande. La solidité du chanvre était très appréciée : il n’y a pas d’équivalent possible pour les tissus, les vêtements. En 1850, 75 % du textile dans le monde était en chanvre ! Mais malheureusement, cet âge d’or ne durera pas.
Arrivé à l’aube du XXe siècle, le chanvre perd de la vitesse et est de moins en moins cultivé. En France, les parcelles sont réduites à peau de chagrin (quelques centaines d'hectares). Comment expliquer cette quasi-disparition ? Est-ce qu’elle a été constante durant tout le XXe siècle ?
Dès les années 1850, une nouvelle matière apparaît pour la création des vêtements : le coton. Ses fibres sont plus douces, ce qui tranche avec la dureté du chanvre textile. C’est à partir de ce moment-là que la plante est de moins en moins utilisée pour le tissu. D’autres espèces végétales et exotiques vont également venir la concurrencer, comme le sisal ou le jute.
Pour tous les emplois du chanvre, des alternatives plus pratiques apparaissent : les bateaux à voiles laissent place aux moteurs à charbon puis à pétrole, le papier est fabriqué avec de la cellulose, etc. Après la Seconde Guerre mondiale, de nouvelles matières textiles dérivées de la pétrochimie (nylon, élasthanne…) permettent de créer de vêtements confortables et peu chers. Le chanvre est alors complètement oublié.
Au XXe siècle, un amalgame est fait entre le chanvre et le cannabis indica aux effets psychotropes. Un vrai travail de sape est organisé pour bannir le chanvre des cultures, quelle que soit sa forme.
Dès les années 1930, le Marijuana Tax Act met un coup d’arrêt à la production, à l’importation et à l’exportation de cette plante aux États-Unis, ce qui impactera sa culture même en Europe. Dans les décennies qui suivront, des réglementations similaires apparaîtront sur notre continent pour classer le chanvre/cannabis comme une drogue et rendre illégale son utilisation.
Les producteurs, les agriculteurs n’ont alors plus aucun intérêt à cultiver cette plante : il n’y a plus de demande. Ils se tournent alors vers des céréales, dont la demande est en forte augmentation, pour nourrir le bétail par exemple.
Les États-Unis ont mis du temps à l’admettre, mais ils ont pourtant poussé à la production du chanvre quelques années seulement après le Marijuana Tax Act. En effet, ils n’avaient pas prévu une deuxième guerre mondiale et les besoins colossaux que cela demanderait en tissu, pour les uniformes, les parachutes, les lacets, etc.
La production de chanvre en Asie était aux mains des Japonais, le jute venue d’Inde était difficile à importer. Il fallait trouver une solution avec une ressource locale plus rapide à récolter et plus solide que le coton.
C’est ainsi qu’un court film de propagande intitulé Hemp for Victory (Le chanvre pour la Victoire) vit le jour pour encourager les agriculteurs américains, notamment dans le Kentucky et le Wisconsin, à cultiver du chanvre, au lieu du maïs. Le chanvre est présenté comme la plante agricole des producteurs “patriotiques”, participant à l’effort de guerre. Ce n’est qu’en 1989 que ce film a été retrouvé, après que le gouvernement américain a nié son existence pendant des années.
À partir des années 1970, on commence enfin à revaloriser le chanvre, que l’on différencie à présent du cannabis (pour “cannabis indica”), cette sous-espèce illégale. Le chanvre multiplie les avantages : écologique, il valorise les sols, se cultive facilement avec un minimum d’eau et a de nombreuses applications. Tout naturellement, on voit petit à petit réapparaître le chanvre dans la production de textiles.
Les innovations avec le chanvre se succèdent dès les années 1960. L’INRA et la Fédération Nationale des producteurs de Chanvre démarrent un programme pour sélectionner des plants (appelés cultivars) de chanvre pauvre en THC. Ainsi, plus de soucis avec la législation ! Aujourd’hui, le seuil maximal autorisé de cette molécule dans la plante est de 0,3 %.
Pourtant, transformer du chanvre en tissu restait une pratique délaissée. En cause, le rouissage. Cette étape pour récupérer la filasse était devenue trop longue pour les modèles de production beaucoup plus rapides de la fin du XXe siècle. Heureusement, un nouveau procédé simple, naturel, mais surtout plus efficace fit son apparition en 1980.
Cette technique implique toujours une macération de la paille de chanvre, mais celle-ci nécessite beaucoup moins de temps. Pour cela, on ajoute un champignon microscopique sur les tiges. Ce processus microbien permet de “nettoyer” les tiges en supprimant la lignine et laisse apparaître rapidement les fibres. Elles sont alors plus douces et fines qu’avec un simple rouissage.
Les labels bio pour le chanvre ne sont pas encore au point, mais il faut dire que cette plante n’en a pas vraiment besoin. En effet, elle est complètement écologique et ne nécessite pas de traitements polluants (envers l’environnement ou l’humain). Le chanvre industriel est :
Bref, à l’heure où la fast-fashion est de plus en plus décriée pour ses effets néfastes sur l’environnement, le chanvre apparaît comme la solution idéale pour une mode responsable et des vêtements sains pour l’être humain.
Tu souhaites des vêtements confortables et qui ne vont pas se déchirer au bout de deux mois ? Le chanvre est 6 fois plus résistant que le coton !
Aujourd’hui, les marques de vêtements redoublent d’ingéniosité pour créer des tissus à base de chanvre, avec des rendus ou des coloris différents. La fibre de chanvre peut être mélangée avec d’autres (comme la soie ou le coton) pour mettre au point de nouveaux textiles. Jean, mousseline, flanelle… tout est possible !
Le chanvre s’adapte donc à tous les styles et ne reste pas cantonné à d’antiques chemises un peu rigides. Mais ce n’est pas tout : le tissu à base de chanvre a des qualités bien particulières, ce qui le rend supérieur aux autres. Il est antifongique et antibactérien (ce qui limite les mauvaises odeurs en cas de transpiration par exemple). Le chanvre possède des propriétés thermorégulatrices et anti-UV : été comme hiver, il reste respirant et agréable à porter.
Le chanvre est une vraie super-plante, qui couvre les 4 besoins vitaux de l’être humain : se loger (c’est un matériau de construction), se nourrir, s’habiller, se soigner ou prendre soin de soi (avec le CBD par exemple). Il est aujourd’hui reconnu à sa juste valeur, particulièrement dans la mode éthique, et a de beaux jours devant lui !